Cependant, la déforestation rapide, principalement due à l’expansion agricole et à la pression industrielle, menace aussi bien la biodiversité que le bien-être des communautés locales qui dépendent de ces forêts pour leur subsistance et leur patrimoine culturel. Les données montrent que le pays a perdu plus de 2,2 millions d’hectares de couvert forestier depuis 2001.
Le défi et le rôle du FSC
La déforestation réduit non seulement les habitats essentiels à la faune sauvage, mais elle érode également la stabilité environnementale et économique des populations locales. Le Forest Stewardship Council (FSC) joue un rôle central en promouvant des solutions de gestion responsable conciliant exigences économiques et préservation écologique. Au Cameroun, la société PALLISCO (SARL) applique depuis 2008 les principes et critères du FSC dans ses opérations afin de renforcer ses performances environnementales, sociales et économiques en gestion forestière.
PALLISCO : D’exportateur de bois à gestionnaire durable
Créée en 1972, l'objectif initial de PALLISCO était de fournir des grumes et du bois scié à des clients européens. Au fil du temps, la demande internationale croissante pour du bois certifié, portée notamment par la réglementation européenne sur les importations (comme le Règlement Bois de l’Union Européenne), a conduit PALLISCO à s’orienter vers le FSC pour répondre aux nouvelles attentes du marché et du développement durable.
Selon Fousséni FETEKE, Directeur des opérations chez PALLISCO, « nous avons ressenti la nécessité de garantir la confiance de nos clients dans un contexte international marqué par un intérêt grandissant pour les bois issus de forêts bien gérées. C’était notre premier aspect clé. » Après trois ans d’adaptation aux normes FSC, PALLISCO a obtenu la certification FSC en 2008 : « Nous considérons la certification FSC comme l’aboutissement de notre engagement et, surtout, de nos efforts pour une gestion durable aux niveaux économique, social et environnemental. »
Aujourd’hui, PALLISCO emploie directement plus de 510 personnes et gère 388 949 hectares de forêts certifiées FSC à Mindourou, dans l’Est du Cameroun. Ses deux sites (PALLISCO et le Centre Industriel et Forestier de Mindourou - CIFM) sont également certifiés FSC Chaîne de Contrôle.
Opérationnaliser la durabilité et la traçabilité
Selon Christian Zuh, Responsable de l’inventaire, de la planification, du suivi et de l’évaluation chez PALLISCO, l’approche de gestion forestière de l’entreprise repose sur un suivi et une évaluation continue, conformément au Principe 8 du FSC, qui exige que les organisations certifiées démontrent un suivi systématique de leurs objectifs de gestion, évaluent l’impact de leurs activités et l’état global de l’écosystème forestier. « Nous menons des activités de suivi et d’évaluation qui nous permettent d’apprécier la qualité de toutes nos opérations, de la planification des abattages à la consommation finale. Cela nous aide à garantir la conformité de notre travail avec les normes en vigueur. »
Chaque arbre est identifié de manière unique et suivi depuis la forêt sur pied jusqu’à la transformation, grâce à un système interne de traçabilité numérique. « Ayant grandi dans la forêt, j’ai toujours compris son importance dans notre quotidien. Détruire la forêt, c’est détruire la vie. C’est pourquoi je m’engage à la préserver, pour que les générations futures en bénéficient comme nous aujourd’hui », explique Zuh.
Les techniques d’abattage à impact réduit font partie intégrante de la formation des opérateurs afin de minimiser les dommages environnementaux, tandis qu’une régénération après coupe, à la fois naturelle et assistée par le reboisement, contribue à préserver la santé de l’écosystème forestier. Alors que la loi permet à Pallisco de récolter jusqu'à 3 arbres par hectare tous les 25 ans, PALLISCO n’en prélève que 0,5 à 1 arbre par hectare. « Nous formons nos opérateurs aux techniques d’abattage à impact réduit, ce qui limite les dégâts sur la structure de la forêt. Après exploitation, nous misons sur la régénération naturelle mais la complétons aussi avec des efforts de reboisement », précise Zuh.
Restauration, régénération et bénéfices pour la communauté
PALLISCO réinvestit une partie de ses bénéfices dans la restauration des forêts dégradées, en préservant les arbres semenciers (ceux au-dessus du diamètre d’abattage) pour garantir la régénération à long terme. Selon FETEKE, « nous avons mis en place un plan de gestion et développé des stratégies pour maintenir des populations stables d'environ dix espèces emblématiques inventoriées. »
En 2024, une étude de l’Université d’Utrecht a fourni des preuves convaincantes que les forêts certifiées FSC dans le bassin du Congo abritent une plus grande abondance de grands mammifères et d’espèces en danger critique, comme les gorilles et les éléphants, que les forêts non certifiées. PALLISCO publie un rapport annuel qui suit et valorise l’état de la biodiversité dans ses unités de gestion certifiées FSC, aussi bien pour la flore que pour la faune.
FETEKE ajoute : « Nous travaillons également à réduire les impacts directs de nos activités sur la faune en protégeant et en gérant correctement les zones à Haute Valeur de Conservation (HVC), notamment les habitats fauniques. Nous cherchons également à limiter les impacts indirects de la foresterie sur la faune en mettant en place des mesures de protection, comme le contrôle de l’accès aux concessions forestières et la responsabilisation des interventions. » Pour vérifier l’impact de ses activités, PALLISCO travaille depuis 2023 sur un projet FSC Ecosystem Services Claim, permettant un audit tiers qui quantifiera la véritable valeur de ses efforts.
Des bénéfices qui vont au-delà de l’écologie
Au cours des 15 dernières années, PALLISCO-CIFM a investi la somme conséquente de 466 790 195 FCFA (environ 754 000 dollars US) dans des projets sociaux à travers les communautés de Lomié, Messok et Mindourou.
Dans le domaine de l’éducation, PALLISCO-CIFM a financé la construction de 34 nouvelles salles de classe et la rénovation de 11 autres, ainsi que l’achat de matériel pédagogique, de livres et de bancs d’école. L’entreprise a bâti 9 maisons complètes et 35 abris communautaires. Les investissements incluent aussi la création ou la réhabilitation de 4 points d’eau et des contributions importantes dans la santé : création de paillotes de santé, dons de matériel médical et médicaments, campagnes de santé. Depuis 2000, PALLISCO verse régulièrement plus de 30,5 milliards de FCFA en redevances forestières annuelles (RFA), dont une partie significative finance les budgets municipaux en soutien à d’autres initiatives de développement.
Comme l’explique Sa Majesté Fredy DJATTO ZOA, Chef du village de Mindourou, la certification FSC aide PALLISCO à assurer un développement local concret. « Le niveau de vie dans notre village a nettement augmenté. Cela tient en grande partie aux politiques de recrutement mises en œuvre via les Comités Locaux de Forêts (CPF), qui favorisent l’emploi local. PALLISCO construit des écoles, entretient les routes et privilégie le recrutement local. Tous les contrats de travail passent par le chef de village, ce qui permet d’organiser le travail et de réduire le chômage. »
Dans l’éducation, PALLISCO a équipé le lycée technique de Mindourou et financé des forages, tandis que les projets CPF—par exemple la distribution de kits solaires et les améliorations d’infrastructures—sont validés localement, ce qui renforce la participation communautaire.
Valoriser l’entrepreneuriat local
L’impact de PALLISCO inclut également le soutien à l’entrepreneuriat local. Le groupe local, la Société Coopérative Simplifiée des Charbonniers de Dja, transforme désormais les déchets de bois certifiés en charbon de bois durable. Comme le raconte Animo Serge Eric, la coopérative est née d’une collaboration communautaire : « PALLISCO, étant une entreprise certifiée, a répondu qu’elle ne pouvait traiter qu’avec un groupe organisé. C’est ainsi que l’idée de créer une coopérative est née. » Aujourd’hui, la coopérative compte 22 membres, génère des revenus, soutient des entreprises et élargit les opportunités sur place. Les partenariats avec l’Agence allemande de développement (GIZ) Cameroun, le Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural (MINADER) Cameroun et la mairie ont permis la légalisation, l’appui technique et l’accès aux marchés locaux.
Recherche et reboisement : préparer l’avenir
Selon la chercheuse Marthe Whitlie MONDA, PALLISCO maintient deux principales pépinières (Mindourou et Makalaya) comportant environ 69 000 plants de différentes essences : commerciales, d’haute valeur de conservation, interdites et non ligneuses. Cultivés de manière biologique et irrigués par un système automatique amélioré, ces plants sont replantés dans des zones dégradées ou exploitées. « Une fois prêts, les plants sont transférés en forêt pour le reboisement. À cette étape, plus de vingt personnes sont mobilisées… Grâce au projet UFA, nous avons déjà planté plus de 30 000 plants, » précise MONDA. Son engagement environnemental est fort : « Me lever chaque matin pour contribuer au reboisement est pour moi une manière concrète de protéger l’environnement et de préparer un avenir durable. Préserver les forêts est essentiel, car elles sont les poumons de la planète. »
PALLISCO : la certification FSC, plus qu’une conformité
L’expérience de PALLISCO démontre que la certification FSC va au-delà de la conformité réglementaire. C’est un véritable cadre pour intégrer objectifs économiques, écologiques et sociaux. Le Professeur Roger Ngoufo explique : « FSC signifie durabilité. Et la durabilité implique aussi la rentabilité économique, ainsi qu’une transformation qui apporte de la valeur ajoutée. Cela contribue à renforcer l’emploi local et à préserver les valeurs écologiques. »
Grâce à une gestion scientifique, une traçabilité rigoureuse, des investissements continus en régénération et une forte collaboration avec les communautés, les opérations certifiées FSC au Cameroun offrent un modèle pour préserver à la fois les forêts et les moyens de subsistance, aujourd’hui et pour les générations à venir.